Le Théâtre dei Vigilanti anciennement église del Carmine

Lieu ancien de rassemblement, le Théâtre des Vigilants représente un élément identitaire de la ville de Portoferraio, pour sa valeur historique, architecturale et culturelle.

Le Théâtre des Vigilants a subi au fil du temps plusieurs transformations, jusqu'à sa configuration actuelle : une scène en fer à cheval d'où s'élèvent quatre niveaux de loges et un balcon. La capacité totale est de 225 places.

De l'ancienne église, il reste la majesté, les colonnes latérales et l'abside, entièrement intégrée sous la scène. Du période napoléonienne, on conserve le rideau peint par Vincenzo Antonio Revelli : une représentation bucolique où Napoléon endosse le rôle d'Apollon, dieu des arts.

Histoire

La construction du bâtiment fut l'œuvre du gouverneur de Portoferraio, Orazio Borbone, marquis de Sorbello, qui, au début du XVIIe siècle, fit ériger une chapelle octogonale pour accueillir sa sépulture. En 1714, le nouveau gouverneur de Portoferraio, Girolamo Piccolini, fit démolir la chapelle et entreprit les travaux pour la construction d'une nouvelle église, qui furent achevés en 1718. Avec une disposition en forme de croix grecque, l'église du Carmine était la plus riche de la ville de Portoferraio. Dans les premières années du XIXe siècle, elle fut désacralisée, dépouillée de ses précieux meubles et utilisée à des fins militaires comme entrepôt militaire.

En 1814, lorsque Napoléon Bonaparte arriva à l'île d'Elbe, il proposa la création à l'intérieur du bâtiment d'un petit théâtre pour accueillir des représentations et des fêtes. Le projet fut confié à l'architecte Bargigli, qui concevait une scène en fer à cheval avec 65 loges, réparties en 4 niveaux surmontés d'un balcon, avec 16 loges de premier ordre. Les travaux commencèrent en juillet 1814.

Les représentants des familles les plus importantes de la ville : les Lapi, les Balbiani, les Bigeschi, les Vantini Lambardi Foresi et d'autres, créèrent l'Académie des Fortunés pour gérer la structure. Cependant, ils se rendirent vite compte que les ressources économiques étaient insuffisantes pour poursuivre les travaux. Ils décidèrent alors de vendre aux enchères les loges du théâtre, en donnant un droit de préemption aux mêmes académiciens et aux autorités de la ville. Cela entraîna de grands conflits entre les familles "nobles" de la société élbana, qui souhaitaient acheter les loges les plus chères pour prouver l'importance de leur nom.

En août 1814, Vincenzo Antonio Revelli, un peintre piémontais, appelé par Napoléon pour décorer ses résidences de San Martino et de la Villa dei Mulini, fut chargé de peindre le rideau, tandis que l'artiste livournais Compormi fut chargé des ornements et stucs.

Le théâtre fut inauguré le 24 janvier 1815 avec une réception solennelle à laquelle participèrent la mère de Napoléon, Lucrezia Ramolino, et sa sœur Paolina.

Le théâtre, dirigé par l'Académie des Fortunés, continua d'organiser des représentations après le départ de Napoléon. En 1819, l'Académie changea de nom pour devenir "des Vigilants", avec l'armoirie représentant un coq sur fond rouge. Le slogan fut modifié (de "à nous la chance !") en "Ad quod expedit advigilant", c'est-à-dire "Ils sont vigilants pour ce qui est utile".

Le Théâtre continua d'accueillir des représentations, des fêtes et des mascarades jusqu'au début du XXe siècle, lorsqu'en raison des grandes difficultés économiques qui touchèrent l'île d'Elbe (et toute l'Europe), il fut abandonné.

En 1922, le théâtre, qui était en mauvais état, a fait l'objet d'un travail de restauration terminé le 4 avril 1923, ce qui a probablement modifié les stucs et décorations. Dans les années 30, il a rouvert pour accueillir des fêtes et des bals, avant d'être transformé après-guerre en salle de cinéma. En 1952, avec l'ouverture du cinéma Astra, plus moderne et plus spacieux, il a été fermé et abandonné.

En 1974, le théâtre a été acheté par la ville de Portoferraio, et en 1979, ont commencé les travaux de restauration et de réhabilitation du bâtiment, avec d'importantes interventions en béton armé sur les structures porteuses du monument, gravement dégradées en raison de l'abandon prolongé du théâtre, qui se sont terminées en 1997.

En 2015, la ville de Portoferraio a décidé de dédier le théâtre à Renato Cioni, le célèbre ténor de l'île d'Elbe, surnommé "La voix de l'Elbe", décédé l'année précédente. Né dans une famille de pêcheurs, Renato Cioni a fait ses premiers pas dans le chant lors de mariages religieux à la cathédrale de Portoferraio. Il étudia ensuite la musique au Conservatoire Luigi Cherubini de Florence, débutant sa carrière dans le monde de l'opéra, où il connaîtra le succès sur les plus grandes scènes mondiales aux côtés des plus grandes voix lyriques comme Maria Callas, Renata Scotto, Tito Gobbi.

En 2023, une nouvelle intervention de restauration, réhabilitation et d'efficacité énergétique a été réalisée. Une intervention particulièrement importante non seulement pour avoir redonné à la structure son éclat original, mais aussi pour avoir permis de découvrir une série de fresques murales datant probablement de l'époque napoléonienne, à l'intérieur des loges du théâtre.

La restauration a également concerné le rosace de couverture, qui peut maintenant être admiré dans sa brillance originale, et a permis de mettre en lumière les corniches dorées des différents niveaux des loges. Parmi les interventions les plus significatives figurent également la réouverture du passage originel entre la scène et la salle, la rénovation des plâtres et de la peinture, tant à l'intérieur que sur les façades.

Le Théâtre et son Histoire

En 2025, l'exposition permanente "Le Théâtre et son Histoire" a été inaugurée dans les espaces extérieurs du Loggione du théâtre : un parcours informatif composé de quinze panneaux qui racontent l'évolution du bâtiment, en l'entrelacsant avec celle de la ville de Portoferraio.

L'exposition offre une riche série de perspectives, souvent peu connues, sur l'histoire locale et le bâtiment lui-même. Grâce à la présence de nombreux QR codes, il est possible d'explorer des contenus multimédia qui permettent de reconnaître dans la structure architecturale du théâtre les traces de son passé.

Un petit souris stylisé, guide curieuse et sympathique, accompagne les plus jeunes visiteurs dans la lecture des panneaux, expliquant de manière simple les principaux concepts. D'autres QR codes renvoient à des vidéos historiques issues des archives de la RAI et de l'Istituto Luce, offrant des aperçus supplémentaires et des témoignages.

Le parcours s'ouvre et se ferme avec deux courts films : le premier présente l'architecte Italo Balestrini, auteur du premier projet de restauration du théâtre ; le second est un hommage au ténor elbanais Renato Cioni, avec un émouvant souvenir de sa fille Cristina, qui raconte le lien profond avec son père.

L'exposition a été curatée par la Cooperativa Alké Servizi Culturali, inspirée des écrits de Giuliano Giuliani, Fortunato Colella et de documents provenant des archives historiques publiques et privées, tant d'Elbe que de Florence.

Photo Cosimo de' Medici